En 1944, dans un camp de concentration en Pologne, alors que les familles de déportés s’amassent vers l’entrée du camp, sous l’oeil indifférent de soldats SS, un jeune garçon est séparé cruellement de ses parents par un garde. L’enfant se débat vaille que vaille, hurle, appelle ses parents entraînés malgré eux par le flot incessant de déportés. Alors qu’un portail de fer se referme sur la vision de sa famille que la cruauté humaine lui enlève, l’enfant hurle de plus belle et tend sa main comme pour rattraper ses parents… et contrecarrer le destin.
Car c’est là que se produit le phénomène, inexplicable. Le lourd portail désormais clôt, se met à frémir, ses barreaux se distordent sous l’effet d’une pression invisible jusqu’à ce qu’il s’entrouvre à nouveau de lui-même. Par quel miracle ?
L’explication vient très vite à l’esprit du spectateur et des soldats nazis témoins de la scène, car c’est sous l’impulsion et la volonté d’un enfant hors du commun à qui l’on enlève la famille, que le portail s’entrouvre. L’exploit tout aussi surnaturel et fascinant que bouleversant est alors brutalement interrompu par un coup de crosse infligé sur la tête de l’enfant par un des gardes.

La séquence d’ouverture de X-Men par sa puissance émotionnelle, promettait le renouveau du film de super-héros, une approche plus mature et réaliste qu’auparavant.
Instillant à peine la part surnaturelle d’un jeune mutant dans un contexte lourd de gravité historique, il était dès lors évident que le réalisateur du génial Usual suspects (et du pas folichon Un élève doué) s’engageait à élever le propos super-héroïque à un degré plus dramatique jamais atteint auparavant.
X-Men est clairement le film qui aura permis le renouveau des super-héros sur grand écran. Terminé les blagues à deux balles, les costumes criards, les intrigues farfelues et fantaisistes. Terminé les ennemis sans épaisseur, gesticulant comme des cons au-milieu de décors multicolores (pourquoi je pense aux Batman de Schumacher subitement ?)
Avec X-Men, Singer avait pour ambition de traiter d’une thématique qui lui est chère, à savoir le fantôme du nazisme et la menace latente des idéaux fascisants. La différence et l’ostracisme également, vecteur de tension et de haine, de communautarisme exacerbé conduisant aux recensements, aux massacres, aux déportations. Avec un tel propos, impossible de ne pas se passionner pour l’intrigue élaborée par le scénariste David Hayter.

Les mutants sont devenus une réalité. Il en existe de plus en plus à travers le monde et les humains normaux ont peur et risquent de suivre la proposition réactionnaire d’un sénateur aux allures de McCarthy proposant le recensement automatique de tous les mutants. Ce qui fâche le vieux Eric Lensherr, l’enfant rescapé des camps de la mort et qui voit en cette proposition de loi les prémisses d’une répétition de l’Holocauste. D’autant qu’Eric est un puissant mutant capable de contrôler à sa guise tous les types de métaux, en plus d’être le chef d’une Confrérie de mauvais mutants dont le but est d’imposer l’hégémonie mutante et d’asservir voire d’exterminer l’humanité.
De son côté, une adolescente, Malicia, se découvre subitement changée (l’adolescence que voulez-vous) au point que quiconque la touche voit son énergie vitale absorbée involontairement par la jeune fille et ce jusqu’à entraîner la mort du malheureux. Un tel pouvoir résonnant comme une malédiction coupant la jeune fille du reste du monde, Malicia fuit la demeure familiale et prend la route au hasard, fuyant le plus loin possible son existence à jamais révolue. Sur sa route, dans le grand nord elle rencontrera un dur à cuire, Logan, mutant comme elle mais d’un genre différent, capable de cicatriser en un rien de temps et de sortir les griffes quand il est fâché. Faisant route avec son nouveau pote, un brin ronchon et taciturne, ils sont tous deux agressés par un colosse aux dents acérées puis aussitôt secourus par deux mutants qui font fuir le monstre. Les deux sauveurs, Cyclope et Tornade emmènent Logan et Malicia à l’institut de Charles Xavier, mutant télépathe pacifiste se préparant pourtant à une guerre imminente. Eric Lensherr alias Magneto, son plus vieil et meilleur ennemi, lui donnera raison.

De prime abord, le film démarre plutôt bien et se révèle prometteur, tant pour le propos qu’il véhicule que pour la trajectoire de protagonistes moins creux qu’ils peuvent en avoir l’air.
Et pourtant, quand je suis sorti de la salle de ciné, cet été de l’an 2000, je regrettai amèrement ne pas être allé voir Mission Impossible 2 projeté dans la salle voisine. Parce que X-Men a beau accumulé bon nombre de qualités (scénario solide, effets spéciaux sympas pour l’époque, humour bienvenu et casting trois étoiles), quelque-chose ne marche pas.
En fait, ce que j’ai toujours reproché à ce film, c’est son manque d’acuité et de puissance narrative tant dans le traitement dramatique de ses enjeux que dans la réalisation des scènes d’action. Certes, la scène d’ouverture est marquante tant elle bouleverse, mais passé cette séquence tout s’enfonce petit-à-petit dans le déroulement d’un scénario balisé, pépère et expéditif.
La mise en scène est très peu inspirée, Singer s’essayant pour la première fois de sa carrière à du divertissement pur et dur, il apparaît très vite qu’il n’est pas à l’aise dans la réalisation de séquences d’actions, au point qu’il expédie chacun de ses pugilats en moins de temps qu’il n’en faut pour que le spectateur s’aperçoive du début des hostilités. Voir pour preuve, cette première confrontation Wolverine/Sabertooth expéditive au possible promettant une revanche de Wolverine en fin de métrage qui s’avérera tout aussi décevante. Seul l’affrontement final avec Mystique se démarque légèrement.
Certains personnages sont privilégiés et sur-développés là où d’autres font office de simples faire-valoir, que ce soit du côté de Xavier (Tornade, Cyclope) ou de Magneto (Toad, Sabertooth).
C’est lent, c’est mollasson, c’est décevant.
Les critiques furent pourtant globalement positives (on ne reprocha à Singer que le choix de Ian McKellen, prétendument trop âgé pour incarner un Magneto relativement plus jeune jusqu’alors dans les comics) et le film engrangea assez de recettes pour en remontrer au blockbuster nanardesque MI:2 (que je visionnai un peu plus tard en vidéo et qui me fit clairement relativiser ma déception face au film de Singer).

De mon point de vue, X-Men fut une grande déception. Cependant, le film a pour lui d’avoir permis le renouveau des super-héros au cinéma (Sam Raimi réalisant son Spiderman dans la foulée) devenu depuis un genre à part entière, lequel atteindra son apogée quatorze ans plus tard.

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