Déjà plus de vingt ans que les dinosaures photo-réalistes d’ILM ont débarqué sur nos écrans. Et c’est l’un des plus grands cinéastes de l’histoire qui se sera chargé de les mettre en scène.

Jurassic Park est l’adaptation d’un best-seller de Michael Crichton. Le scénario de David Koepp, remarquable d’efficacité, reprend les événements majeurs du roman, en bazarde une grande partie, et transforme radicalement la plupart des personnages.
Ici, John Hammond est un vieux milliardaire affable et optimiste là où le roman le présentait comme un salopard insidieux allant jusqu’à se servir de ses petits-enfants comme d’un argument promotionnel. Ici, Ian Malcolm est un personnage tout aussi cynique que téméraire loin du pleutre geignard décrit par Crichton. Ici Muldoon et Gennaro sont cruellement sacrifiés là où ils formaient un duo efficace et téméraire dans le roman.

Tout est une histoire de “promesse” dans Jurassic Park. La promesse d’y voir enfin des dinosaures impressionnants.
Spielberg entretient le suspense, tout en annonçant à ses protagonistes et au spectateur la présence d’abord invisible de ses grands sauriens dont la superstar du parc attendu de tous, le fameux Tyrannosaure.
Malin et méticuleux, le réalisateur nous fait astucieusement patienter via une scène d’ouverture nous dévoilant, via un ensemble de plans parfaitement ciselés, son autre vedette, le méconnu vélociraptor, sa séquence allant jusqu’à retrouver la fureur impitoyable des attaques du requin tueur de Jaws.
Puis il nous présente tour à tour ses protagonistes conviés à l’avant-première de l’ouverture du parc, isolé sur une île au large du Costa Rica. Et au travers du regard de ces scientifiques dubitatifs, nous convie à l’incroyable : la présentation d’un gigantesque dinosaure, tout aussi imposant qu’inoffensif, affirmant ainsi en 1993 que oui, les effets spéciaux ont enfin atteint un degré de perfection telle qu’il est possible de rendre crédible le retour sur Terre des dinosaures.
A l’idée qu’un brachiosaure puisse être aussi impressionnant, le spectateur s’émerveille et se met soudainement à frémir à la seule pensée de la présence du T-rex, qui tôt ou tard, inéluctablement, fera son entrée dans le récit.
Et quelle entrée…
La séquence de la première apparition du monstre, astucieusement annoncée par ses pas faisant trembler le sol (et le verre d’eau), demeure l’une des plus mémorables de l’histoire du 7ème art.
La créature déchire les câbles de son enclos, fait deux pas au-dehors parmi les hommes, et pousse son hurlement assourdissant comme pour prévenir le monde que nulle autre créature n’arrivera jamais à sa cheville.
Son apparition convoque ainsi l’émotion d’un spectateur émerveillé, conscient qu’il assiste-là à une séquence sans précédente dans l’histoire du cinéma.
Mais Spielberg ne se cantonne pas au T-Rex. Il va même jusqu’à lui préférer ses sournois velociraptors, plus petits mais tout aussi dangereux et plus malins. Quasiment à hauteur d’homme, ses raptors sont la véritable menace du film, traquant sans relâche les survivants et s’insinuant dans les bâtiments désertés du site.
Spielberg et son scénariste David Koepp vont même jusqu’à s’autoriser une incroyable facilité narrative lors du climax, en imposant le T-Rex comme un parfait deus ex machina intervenant pile-poil à un moment décisif pour les protagonistes.

Quand on relativise aujourd’hui cet exploit narratif et surtout visuel, en qualifiant le film de blockbuster low-cost, vu qu’il aura coûté beaucoup moins que ce qu’il paraît (quelque-chose comme 75 millions de dollars, très loin des 250 millions des super-productions actuelles) on se plait à penser que Spielberg est un véritable phénomène, un prodige de la caméra, limitant au possible les images de synthèse et enchaînant les morceaux de bravoure.
A peine peut-on reprocher à son film, une mise en place un peu trop longue, l’action ne démarrant véritablement qu’au bout d’une heure d’exposition.
Mais il aura su habilement nous faire patienter par le biais de dialogues savoureux, de l’humour irrésistible de Ian Malcolm (“Faîtes-moi penser à remercier John pour ce charmant week-end“) et de l’apparition de ses “gentils” dinosaures.

Jurassic Park fut une oeuvre charnière, annonçant l’avènement des effets numériques, près de cinq ans après Abyss et deux ans après Terminator 2. Spielberg a su ici s’entourer des meilleurs artisans et techniciens dans leur domaine (Dennis Muren, Stan Winston, Phil Tippett).
Paradoxalement, c’est aussi la fin d’une époque pour le réalisateur, ce dernier délaissant, aussitôt après Jurassic Park, le territoire de l’imaginaire et la candeur créative des années 80 (les années Amblin) pour se consacrer à une approche plus mature de son cinéma, inaugurée (bien qu’il y ait eu La Couleur pourpre et Empire du soleil auparavant) par La liste de Schindler, chef d’oeuvre dont il ne reviendra jamais vraiment. Ce ne sera d’ailleurs qu’à contre-coeur qu’il donnera en 1998, une suite tout aussi bien emballée, mais moins inspirée, à ce Parc Jurassique.
Déterminant pour le cinéaste et pour le cinéma dans sa globalité, Jurassic Park, reste plus de vingt ans après sa sortie un spectacle phénoménal à l’épreuve du temps.

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