Gotham est l’héritage de Bruce Wayne, et son alter-ego en est l’ardent défenseur.
Depuis le temps qu’il arpente les cimes urbaines, explore les recoins les plus sombres et hante l’esprit des criminels et des citoyens lambda, le chevalier noir s’est persuadé que Gotham, SA ville, n’avait plus aucun secret pour lui.
Il se trompe.
Car dans l’ombre, la Cour des hiboux, inactive depuis des décennies et reléguée à une simple légende urbaine, se prépare à reprendre Gotham. Une organisation secrète dont Batman lui-même nie l’existence, arguant que si une telle société oeuvrait dans l’ombre, il en aurait forcément eu des preuves depuis tout ce temps passé à explorer la ville.
Hors les événements vont très vite abattre ses certitudes, la Cour des hiboux se manifestant par le biais de l’Ergot, un tueur implacable, bras armé de la cour, s’en prenant tour à tour à Wayne et à Batman.
Confronté à la mystérieuse organisation aux ramifications multiples, le justicier se révèle fragilisé comme rarement il l’aura été dans ses aventures ultérieures.

Une grande partie de ses ennemis jurés font une apparition éclair en début d’histoire et se voient rapidement réexpédiés dans les geôles d’Arkham.
Le Joker, la némésis absolue de Batman, fait également un caméo fallacieux puisqu’il n’est qu’un costume holographique revêtu par Dick Grayson, le clown ayant disparu des radars depuis son relooking extrême par le Taxidermiste.
Ainsi débarrassé temporairement de ses adversaires récurrents, Batman se retrouve à enquêter sur une série de meurtre barbare révélant l’existence de la légendaire Cour. En fâcheuse posture face aux assauts répétés de l’Ergot, le justicier semble bel et bien désemparé au point de redouter l’existence de la Cour et l’affrontement avec son tueur (voir cette planche où Batman, sous l’effet d’une drogue, sombre dans la terreur hallucinée à la simple vue du costume de l’assassin).
Il lui faudra pourtant accepter d’affronter sa peur et reconnaître que la ville ne lui appartient pas encore afin d’être de taille à survivre à la nuit des hiboux.

Scott Snyder démarre son histoire comme une intrigue policière, perdant ses personnages dans des rues glauques et des scènes de crimes sordides. Batman appuie l’enquête de la police en mettant à contribution ses talents de détective. Au fil de ses investigations, l’intrigue va se resserrer sur lui, son enquête désignant Bruce Wayne comme la prochaine victime de l’Ergot.
Pour quelles raisons la cour le condamne-t-elle à mort ? C’est ce que va révéler la suite de l’histoire imaginée par Snyder, impliquant comme à son habitude société secrète et conspiration aux circonvolutions complexes prenant racine sur plusieurs générations de notables de Gotham.
Le récit prend progressivement une tournure plus psychologique jusqu’à mener Batman au seuil de la démence, le plongeant dans une série d’hallucinations déstabilisantes (à rendre jaloux l’Epouvantail), et le perdant dans un labyrinthe reflétant son état mental, astucieusement mis en image au cours de l’oppressant chapitre 5. Un dédale lumineux et glacé, où se découpent les silhouettes étranges et masqués de mystérieux observateurs. Un labyrinthe dont l’Ergot est le Minotaure.

Les dessins de Greg Capullo sont splendides. Sa patte graphique, reconnaissable entre toutes depuis ses remarquables débuts dans Les Chroniques de Spawn et sa mini-série The Creech, évolue, donnant des contours plus rigides à ses personnages qu’il en a l’habitude. Son style apparaît dans le design des personnages et des architectures entre gothique, modernité et surréalisme. Sa réappropriation des faciès connus est intéressante sans être transcendante, avec une mention spéciale pour le Joker du début, tout à fait dérangeant. Le travail sur Batman est à saluer tout comme celui sur le chara-design original de l’Ergot, tout aussi impressionnant que le Chevalier Noir. Il est toutefois à déplorer la trop grande ressemblance de certains visages “civils” ou le rajeunissement de Bruce Wayne (New 52 oblige) propre à en faire un jeune et fringuant trentenaire loin de l’image de justicier usé et torturé qu’on lui connaissait jusque-là, si bien que Bruce semble désormais avoir à peu près le même âge que Dick.

La Cour des hiboux s’inscrit donc dans la logique du New 52, une remise à plat de l’univers et des personnages au sein des 52 séries DC.
Le fait est que certains éléments de cette aventure donnent à croire que l’intrigue s’inscrit dans la continuité des oeuvres précédant le New 52 (l’absence du Joker, certains échanges entre Bruce et Dick) tout en voulant s’en émanciper.
Batman ayant subi plusieurs mises à jour depuis sa création en 1939, il est désormais impossible de faire table rase de certaines oeuvres ultérieures, dont les grands classiques des années 80 et 90. D’autant que ceux-ci ont largement influencé les adaptations cinématographiques du justicier de Gotham.
La Cour des hiboux est donc (après le décevant La Nouvelle aube) la toute première réussite de cette refonte du Batverse, justement parce qu’elle propose de nouveaux enjeux et met en difficulté le Caped Crusader comme rarement il l’aura été.

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