A la vision de The Ward le fan de Carpenter est saisi d’un sentiment mitigé. Le film loin d’être médiocre ne partage en rien la puissance de ses glorieux prédécesseurs et son pitch suranné ainsi que son cadre ont le grand tort de se mesurer à un certain Shutter Island sans jamais prétendre, il est vrai, à son niveau d’excellence.

En premier lieu, le film possède de remarquables qualités qu’il convient de mettre en exergue. Carpenter n’a plus rien à prouver dans l’exercice de la mise en scène et force est de constater qu’il maîtrise à la perfection la direction d’acteurs et d’actrices (un film quasi exclusivement féminin, une première pour Big John) ainsi que du bon usage de la topographie. Malgré une succession d’errances dans des couloirs sinistres et parfois un peu trop dépeuplés, on est jamais déboussolé par les errements de sa caméra, le spectateur sait quasiment toujours où il se trouve, y compris à l’extérieur du quartier des grands tarés. Le casting est au diapason même si Jared Harris que je découvre dans ce film est à mon sens un brin sous-employé. Amber Heard outre son physique incarne à la perfection cette jeune femme impétueuse et pugnace, dont on se demande les raisons de son geste au début du métrage.

Parlons des choses qui peuvent fâcher certains et qui j’en suis sur ont fâché pas mal de monde. Tout d’abord, l’usage excessif de jump scares foireux et d’inserts immodérés, le “spectre” est beaucoup trop présent à l’écran, Carpenter sacrifie le côté suggestif de ses oeuvres antérieures sur l’autel des effets visuels tout en faciès grimaçants et squelettiques. Ainsi, on ne compte plus les entrées dans le champ de la bad girl au détour d’un couloir ou d’un monte charge.
En cours de métrage, le dépeuplement soudain des couloirs de l’hôpital interpelle le spectateur qui croit en une négligence grossière de la part de Carpenter et de son équipe jusqu’à ce que tout nous soit expliqué en bout de course par un twist un brin convenu, rappelant en gros celui du peu mémorable Identity de James Mangold.

Doit-on pour autant mépriser le titre jusqu’à se priver du visionnage ? Non.
Soyons clair, le film a la qualité de ses défauts, et même s’il ne fiche jamais le moindre frisson au spectateur blasé de films de genres, il a le mérite de dérouler une intrigue suffisamment captivante pour nous faire passer une bonne heure et demie avec la dernière oeuvre du maître qui se rattrape quelque peu après son brouillon Ghost of Mars, précédent film qui a déjà plus de dix ans. De là à dire qu’on a retrouvé le Big John de la grande époque, il ne faut pas exagérer non plus. Carpenter est désormais un cinéaste qui comme De Palma n’arrive plus à s’adapter aux canons cinématographiques imposés par notre époque tout en montage épileptique et en déluge numérique. Mais comme l’auteur de Pulsions, il a pour lui d’avoir toujours su conserver une authenticité, une cohérence dans son oeuvre et une intégrité artistique qui le placera toujours comme un auteur indétrônable dans le paysage de plus en plus vaste du cinéma de genre. On ne perd pourtant rien à espérer de sa part un autre authentique chef d’oeuvre qui risque fort de ne jamais arriver.

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