Le cinéma d’action Hong-kongais aura longtemps été représenté par John Woo et Tsui Hark. A eux deux, ils auront réussi à redéfinir le genre en dynamisant les codes du film d’action standard, Hark par sa virtuosité épique, Woo par sa stylisation de la violence et ses gunfights chorégraphiés.
Les deux réalisateurs étant un temps partis tenter leur chance à Hollywood tout comme Ringo Lam, il restait aux producteurs hong-kongais à leur trouver un successeur digne de ce nom. Celui-ci Johnnie To, se révéla très vite comme le nouveau chef de file du genre, en imposant un style à contre-courant de ses prédécesseurs.

The Mission sorti en 1999 (2001 en France) est pourtant loin d’être son premier film mais c’est par celui-ci qu’il accédera à une renommée internationale et s’imposera comme le nouveau maître du polar hong-kongais.

Un grand patron des triades voit sa tête mise à prix par un mystérieux commanditaire qui déploie des moyens conséquents pour lui coller aux basques toute une organisation de tueurs implacables. Le frère du chef de la pègre engage alors successivement plusieurs tueurs retirés, devenus caïds à leurs comptes, pour devenir temporairement ses gardes du corps. Tous acceptent et font front commun pour protéger le parrain contre les assauts récurrents des tueurs. Mais cette collaboration forcée reste fragile et les inimitiés font rapidement surface.

Sur un scénario minimaliste, To compose un polar urbain stylisé, froid et sans concessions. Tous ses personnages sont d’anciens tueurs plus ou moins sympathiques et loyaux, forcés de s’entendre le temps d’une mission de protection particulièrement dangereuse. Malgré leurs différents, les membres de l’équipe finissent tous par s’entendre et s’estimer, jusqu’au dernier acte, censé faire imploser leur amitié toute relative et fragile.
Face à eux, une légion d’assassins, aux allures de citoyens lambdas, se confondant parmi les civils et n’hésitant pas attaquer dans les endroits les plus peuplés, que ce soit dans une grande-surface ou sur une avenue. Prêts à tout pour abattre leur cible, déterminés jusqu’à la mort, ils se confrontent au groupe d’anti-héros, inférieur en nombre mais pas moins efficace quand il s’agit de protéger leur client, de prévoir les multiples guet-apens des tueurs et de taquiner la gâchette.

Découpé en trois actes distincts voyant la présentation de chaque membre de l’équipe, leur mission et l’implosion de leur groupe, le film de To surprend de par sa simplicité narrative et sa mise en scène posée, quasi contemplative, y compris dans les fusillades.
A contrario de la virtuosité technique d’un John Woo, To opte pour l’économie d’effets stylistiques, ses mouvements de caméra subtils exploitant à merveille les décors et révélant les éléments au compte-goutte comme la fameuse séquence de la fusillade du centre commercial où l’essentiel de la fusillade demeure hors champs, le réalisateur préférant se concentrer sur l’attente des personnages, protecteurs et tueurs, occupant chacun un endroit stratégique dans le cadre.
Dans cette séquence, la preuve de la défiance du personnage de Roy, immobile, posté l’arme au poing devant un espace trop calme pour être sans danger, est rapidement apportée par le réalisateur lorsque sa caméra révèle au spectateur, les deux tueurs dissimulés à la vue du garde du corps qui subodore leur présence derrière deux piliers qu’il ne quitte pas des yeux.
Les personnages de The Mission sont tous des professionnels rompus à l’exercice du meurtre et ne laissent rien au hasard.

To n’exclut pas l’humour pour autant, mais celui-ci reste discret voire uniquement visuel, traduisant l’état d’esprit des personnages, comme ce sympathique plan-séquence où, attendant silencieusement dans une salle d’attente, les gardes du corps se mettent à taper du pied dans une boule de papier froissée, se la passant comme des gamins joueraient à le faire pour tuer l’ennui.

Au-delà de ses protagonistes guindés mais attachants et de ses formidables séquences d’action, The Mission interroge sur la notion de loyauté. Tous les personnages, protecteurs comme tueurs, sont montrés comme infaillibles (à part un seul), incorruptibles et déterminés à s’acquitter de leur mission ou de leur contrat. Mais tout aussi noble puisse-être un personnage fidèle à sa parole, rien ne peut garantir que sa loyauté le préservera de toute tentation. Et quand l’amitié rentre en ligne de compte, c’est tout le professionnalisme du tueur qui vole en éclats et son humanité qui se révèle au grand jour.

The Mission est une réussite voire un classique du polar hong-kongais, qui peut toutefois déstabiliser tant le rythme du film et sa réalisation va à l’encontre de la nervosité stylistique imposée par le cinéma de John Woo. Johnny To signait là assurément son meilleur film avec Fulltime killer.

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