C’est un euphémisme de dire qu’on aura accablé George Lucas de ne pas avoir su réitérer l’exploit de sa trilogie originale. On l’aura haï, abhorré, traité de simple financier se prenant pour un auteur.
Encore aujourd’hui, nombreuses sont les critiques qui lorsqu’elles reviennent sur cette prélogie s’accordent à dire qu’elle n’a pas su répondre aux attentes d’un public devenu trop exigeant et semble même jurer avec ses trois vieilles suites.

Il est vrai qu’au vu de La Menace fantôme, on est en droit de se sentir trahi. Comme si l’on volait les rêves d’enfants devenus trentenaires pour en faire une version aseptisée et sans saveur qui entache de manière irréversible le mythe jusque-là presque intact.
Presque, car pour financer sa nouvelle trilogie, Lucas aura produit une remasterisation de sa trilogie originale, agrémentée d’effets spéciaux plus crédibles et esthétiques. Une copie revue et corrigée donc pour une ressortie en salles en fin de millénaire et dont les recettes servirent officiellement à réunir le budget nécessaire pour la mise en chantier de la prélogie.

Tout le problème de Lucas est son souci de cohérence (et sa cupidité).
Pour rendre crédible son univers, il aura plusieurs fois réajusté son oeuvre à l’esthétique de son époque. Les quelques menus défauts de la trilogie originale qui rajoutaient un cachet certain à l’ensemble sont gommées sans ménagement pour promouvoir l’imagerie numérique dont il est un des instigateurs. Lucas n’écoute personne. Il est le seul maître de son oeuvre et peu importe les millions de fans qui l’auront enrichi en rêvant sur le foisonnement de son univers. Leur avis, il semble ne pas les prendre en compte. Et se plante parfois dans les grandes largeurs lorsque voulant éviter l’incohérence, il y tombe grossièrement via des intrigues politiques aux circonvolutions nébuleuses et des éléments insérés contre toute logique dans son intrigue d’origine (le climax du Retour du Jedi, où le jeune Anakin Skywalker apparaît à son fils alors que celui-ci ne l’a jamais connu sous cet aspect).

La Menace fantôme fourmille de cafouillages, de facilités et de problèmes de rythme.
Certes, formellement le film était beau à son époque mais réalisé platement. Aujourd’hui, il ressemble plus à un vieux film d’animation 3D qu’à un véritable film de SF. Le scénario, lui, pêche par excès de simplicité.
Lucas ne s’est pas trop trituré les méninges en pondant son script, il a juste ré-adapté celui de l’épisode 4, en substituant le père au fils, à la différence que c’est ici sur les pas d’un enfant que nous entraîne l’aventure et donc freine l’identification des premiers fans de la saga tout en restant cohérent avec sa démarche infantile opérée seize ans plus tôt avec l’épisode 6.
Pis, la narration se voit totalement déséquilibrée. La course de chars, pardon de pods, impressionnante durant les premières secondes, monopolise trop de temps sur l’intrigue pour des enjeux qui auraient pu être autrement simplifiés.
Lucas, fidèle à lui-même en rajoute sur l’esbroufe et oublie qu’un film est avant tout une mise en images servant une intrigue et pas l’inverse.
Ainsi, s’ennuie-t-on sévère durant le film, jusqu’à se réveiller lors des premières notes wagneriennes de Williams annonçant le très attendu duel final Jedi-Sith. Plutôt un triel (pardon pour le néologisme) vu que les Jedi sont assez puissants et braves pour affronter à deux contre un leur adversaire. Il est vrai que “le sage est celui qui connait ses limites” mais quelle n’est pas la déception des fans que de se rendre compte qu’un chevalier Jedi est si faible en comparaison à un guerrier sith qu’il ne peut se résoudre à l’affronter seul.
Pourtant le combat, même s’il commence à trois, se poursuit d’homme à homme et c’est au bout du premier duel que survient la tragique disparition amenant le désir de vengeance de ce jeune Obi-Wan, qui au bout d’un duel superbement chorégraphié triomphera de son terrible ennemi cornu.

Le climax emprunte donc une dramaturgie traditionnelle, et c’est en alternant deux séquences se déroulant en parallèles (le conflit dans le palais, la bataille de Naboo), de la même manière que dans les climax de L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, que Lucas conclut son métrage. Il appliquera la même technique narrative pour La Revanche des Sith.
La victoire finale de l’Episode 1 est fallacieuse puisqu’elle voit Palpatine élevé au rang de chancelier. Le tout baignant dans une atmosphère infantile et inoffensive, porte les germes d’un avenir plus sombre et adulte que cette décevante menace fantôme.

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