Nombreux sont ceux qui, à raison, vouent une admiration sans bornes au film Les Incorruptibles de Brian De Palma. D’un simple film de commande, qui plus est une adaptation de série tv, De Palma a su transcender le genre en livrant un film parfait de bout en bout, relatant (librement) la guerre que se sont livré Elliot Ness et Al Capone dans le Chicago de la Prohibition. De Palma magnifiait son film tout en séquences d’anthologies, en morceaux de bravoures mémorables et tout en lyrisme, sans sacrifier à cette superproduction ses thématiques de prédilection.

Depuis nombre de films se sont réclamés du chef d’oeuvre de De palma. En y réfléchissant bien, personne n’a fait mieux dans le genre depuis 1987. Il y a bien eu le sublime L.A. Confidential de Curtis Hanson, dix ans plus tard. Il partage pas mal de thématiques avec le film de De palma dont la corruption et l’association de plusieurs flics face à une organisation criminelle (ou pas) infiltrée dans toutes les couches de la société.
Mais le film de Hanson se voulait plus fidèle au traditionnel film noir dans son approche que ne le fut Les Incorruptibles. Tout d’abord parce que le sublime scénario de Brian Helgeland (Payback) adaptait un roman de Jamas Ellroy (Le Dahlia noir). D’un point de vue narratif, il y avait d’abord la présence d’une vamp aux intentions ambivalentes, puis les trois principaux protagonistes étaient chacun présentés comme faillibles voir détestables, il y avait la brute épaisse, le petit jeune dévoré par l’ambition et le flic expérimenté, désabusé et cynique. Un trio improbable de flics face à une machination digne des meilleurs films noirs des années cinquante. Et tout ceci dans une somptueuse ambiance art déco des années quarante.

Gangster Squad peut se voir comme un condensé de ces deux films. La trame est la même que Les Incorruptibles au point que l’on qualifiera le film de Randall Fleischer de remake officieux de celui de De Palma.
Le pitch : un groupe d’incorruptibles bien décidés à abattre l’empire mafieux d’un gangster tout-puissant dans une ville rongée par la corruption. Sauf qu’ici on est à Los Angeles et que le gangster n’est plus Capone mais Mickey Cohen, ancien homme à tout faire de la Mafia et collaborateur de Bugsy Siegel entre autres, gangster juif qui s’est vite emparé d’un territoire délaissé par les Italiens, à savoir Hollywood, pour en devenir le taulier.
Une figure toute puissante dont personne ne conteste la suprématie. Jusqu’à ce que…

Le film pioche également pas mal d’éléments à L.A. Confidential, dont l’un des moindres est le personnage solitaire et blasé qu’incarne Ryan Gosling et qui fait penser au Jack Vincennes du film d’Hanson. Il y a aussi la vamp, l’importance de la presse, etc… Mais ne cherchez pas dans Gangster Squad un scénario aussi retors et audacieux que celui d’Helgeland.

Gangster Squad n’est qu’un simple décalque des Incorruptibles à la réalisation plus moderne. Ici les fusillades se filment sous tous les angles et en usant allègrement de ralentis types bullet time qui, s’ils subliment parfois les images, rendent les scènes d’action rapidement redondantes et lassantes.
L’exercice de style est audacieux certes mais il tourne court, la mise en scène fluide aligne les séquences comme autant d’ellipses empêchant purement et simplement la moindre empathie vis-à-vis de ses personnages et des événements qu’ils vivent.
On finit par se désintéresser complètement de l’intrigue tant elle accumule les poncifs propre aux genre (présentation successive des membres du groupe, sacrifice de l’intello de service, cruauté gratuite de la part du bad guy, fusillade finale suivie d’un simple pugilat).

Chaque acteur incarne un stéréotype classique.
Josh Brolin se la joue tête brûlée implacable mais un brin stupide. On s’aperçoit vite que son personnage n’est pas fichu de prendre une seule décision plus subtile que le traditionnel “on fonce dans le tas, on réfléchit après”. L’ironie c’est qu’il est le chef de la petite bande de justiciers, laquelle compte dans ses rangs, un Giovanni Ribisi transparent, un Anthony Mackie sous-employé, le vétéran Robert Patrick qui se la joue cowboy tout en lorgnant furieusement sur le jeu de Stephen Lang dans Public ennemies et Ryan Gosling, dont on peut hélas grandement critiquer le jeu tant il se plante dans les grandes largeurs en sous-jouant un flic à la fois blasé, amoureux et en colère.
Sean Penn se la joue Robert de Niro en Mickey Cohen vindicatif, alternant cabotinage cruel et monologue inquiétant. Une caricature grossière comme chacun des membres de la brigade chargée de le coincer. Et n’oublions pas le monumental Nick Nolte, comme toujours sous-employé (quelle surprise) et dont les nouvelles mensurations semblent témoignées d’un long travail de composition en amont pour un rôle si bref.

Pour ceux qui espéraient trouver en Gangster Squad le digne successeur des indétrônables chefs d’oeuvres que sont Les incorruptibles et L.A. Confidential, autant dire qu’ils auront de quoi être déçus.
Classieux sur la forme, le film de Fleischer aurait mérité un scénario plus travaillé et ambitieux.
Le film ne détrônera pas ses modèles. A peine se hissera-t-il au niveau des “Hommes de l’ombre” de Lee Tamahori, ce qui est loin d’être un argument.

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