L’épreuve du feu

Hanté par le souvenir de la mort de son père, sapeur pompier, alors que ce dernier portait secours à quelqu’un dans un incendie, le jeune Brian McCaffrey intègre la 17ème compagnie des pompiers de Chicago, dirigée par son frère, le charismatique Stephen. Alors que ce dernier le met durement à l’épreuve, Brian tente de gagner l’estime de ses collègues et de faire honneur à son père. Mais quand une série d’incendies meurtriers s’abat sur la ville, Brian décide de changer de service et de rejoindre l’enquêteur Donald “Shadow” Glimdale. Tous deux vont remonter la piste d’un incendiaire qui semble préparer des attentats ciblant précisément leurs victimes.

En 1991, trois ans après le carton de son Willow, Ron Howard rendait hommage aux soldats du feu à travers ce thriller incendiaire et policier, construit sur fond de conflit fraternel. Il faut remarquer que l’industrie hollywoodienne n’avait auparavant jamais vraiment mis en valeur ce corps de métier qui deviendra pourtant, dès les années 2000, le sujet de quelques séries télévisées (New York 911, Chicago fire) et films (Piège de feu, Line of fire, Les Hommes du feu).

Avec Backdraft, le futur réalisateur d’Apollo 13 ambitionnait donc de réparer cette injustice et de mêler le suspense au spectaculaire en travaillant particulièrement ses séquences d’incendies. Sous la caméra d’Howard, les brasiers feu prennent une dimension tout aussi redoutable que fascinante, le cinéaste confectionnant des plans de toute beauté qui confèrent aux flammes une aura quasi-surnaturelle et fantastique (voir ces plans sur les courants de fumée disparaissant subitement sous les portes avant un retour de flammes ou ces superbes plans d’ensemble jouant sur des effets spéciaux pyrotechniques particulièrement impressionnants).

La star du film, c’est donc bien le feu. Howard le filme comme une entité à part. Un monstre sournois, quand il explose à la faveur d’un simple courant d’air, affamé, quand il grandit et dévore autant de bâtiments immenses que de vies entières. L’occasion de mettre en exergue le courage des soldats du feu et les risques qu’ils prennent en essayant d’enrayer de tels phénomènes. Placer l’humain face à des situations/éléments sur lesquels il n’a pas le contrôle deviendra par la suite, entre deux films de commande, un thème récurrent dans la filmographie du réalisateur (Apollo 13, La Rançon, Au coeur de l’océan).

Produit sous la bannière de sa société Imagine Entertainment, Backdraft permettait aussi à Ron Howard de s’offrir un casting impérial dominé par la présence de Kurt Russell et de Robert de Niro. Des acteurs de première classe leur donne la réplique, du regretté J.T. Walsh, parfait en politicien véreux, au charismatique Scott Glenn, dans un rôle de fond tout en ambivalence, en passant par Jennifer Jason Leight (marrant de constater qu’elle retrouverait Russell vingt-six ans après sous la caméra de Tarantino) et l’immense Donald Sutherland lequel nous livrait ici un savoureux numéro de cinglé au sourire carnassier, orientant du fond de sa geôle les investigations des enquêteurs (Le Silence des agneaux sorti à peine quatre mois plus tôt, le parallèle avec Hannibal Lecter est amusant).
Ah oui, et dans le rôle du héros, il y avait aussi William Baldwin…

Collant au plus près de son protagoniste, le scénario écrit par Gregory Widen (l’auteur du script d’Highlander) reprend tous les éléments de l’intrigue d’initiation, le jeune Brian, partagé entre ses sentiments pour Jennifer et le ressentiment qu’il éprouve pour son frère, en apprend autant de l’enquêteur, “Shadow”, que du pyromane enfermé dans son asile. A ce titre, Baldwin n’était peut-être pas l’acteur le plus qualifié pour un tel rôle et son manque de charisme face à ses partenaires est évident. Mais allez savoir, impératif de production oblige, c’est peut-être quelque-part voulu par Howard : mettre un comédien aussi peu expressif que la belle gueule des Baldwin face à des acteurs aussi accomplis que Russell, De Niro ou Sutherland.

En tout cas, cela n’a jamais empêché personne d’apprécier le film pour ce qu’il est, un authentique spectacle cinématographique, bourré de morceaux de bravoure et de séquences mémorables. Par la complexité de ses effets de plateau et les impressionnants trucages du dernier acte (ah ce plan sur les personnages courant pour échapper à l’effondrement du toit de l’usine…), Backdraft témoigne aussi d’une des dernières grosses productions réalisées à l’ancienne, un an après les formidables trucages futuristes de Total Recall et alors même que la déferlante Terminator 2 s’abattait sur les écrans du monde entier (T2 est sorti aux States, un jour après Backdraft). Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les studios Universal ont très vite consacré au film toute une attraction dans leur célèbre parc d’Hollywood.

Que dire de plus ?
Backdraft, c’est du grand spectacle comme on en fait plus, tout du moins sans l’aide d’effets numériques.
Backdraft, c’est un des trois meilleurs long-métrages de son réalisateur, entre le féérique Willow et l’étouffant Apollo 13.
Et bien sûr Backdraft, c’est aussi et surtout LE film insurpassable, dédié à la gloire des soldats du feu.

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