Un complexe pénitentiaire insulaire transformé en laboratoire de recherche. Un scientifique cool et son assistant dubitatif, testant quotidiennement sur leurs pensionnaires des molécules agissant sur l’humeur et les émotions. Des prisonniers qui jouent le jeu en échange d’une peine réduite et d’une relative liberté d’aller et venir au sein des locaux. Une expérience qui dérape…

En y repensant, Spiderhead réunit un peu toutes les composantes de la science-fiction dite alarmiste. Cobayes humains, savant fou, expériences secrètes dans un complexe scientifique isolé, asservissement de la conscience humaine, objetisation de la masse, dénonciation des dangers de la science et de la technologie, tout y est… Ou presque. On frôle parfois même un peu trop la caricature, notamment lors de la révélation de l’objectif du scientifique déluré incarné par Chris Hemsworth.

Toute l’originalité du film, adapté de la nouvelle L’évadé de la spiderhead de George Saunder, tient surtout à son exposition et au mystère qui entoure ces expériences au demeurant assez drôles. L’humour irrigue ainsi tout le début du film avant de céder progressivement à une ambiance malsaine et des situations évidemment de plus en plus dramatiques. Si le héros du film (incarné par Miles Teller) reste a priori dans les rails de ce qu’on peut en attendre (traumatisme initial, culpabilité, quête de rédemption), l’intérêt se porte plus sur le personnage du scientifique ambigu joué par Hemsworth. L’apparente jovialité du personnage, la sympathie qu’il tend à inspirer à ses cobayes et la relative latitude qu’il leur offre ne trompe évidemment personne, on devine aisément qu’il ne joue jamais vraiment franc jeu et qu’il dissimule des raisons inavouables. Habitué au registre de la comédie, Hemsworth joue volontiers de ses sourires enjôleurs et de son regard malicieux, offrant même à son “méchant” une certaine vulnérabilité en en faisant plus un scientifique utopiste (supprimer la violence et l’injustice dans le monde : l’incontournable thème huxleyien du contrôle des foules) que simplement cupide. D’autant plus que son obsession pour le contrôle des émotions d’autrui peut aussi se lire et se justifier par son manque évident d’empathie.

Réalisé par Joseph Kosinski, lequel trouve dans cette histoire la dimension SF esthétique et thématiquement ambivalente dont il est coutumier, Spiderhead tend quelque peu à renouveler le thème du savant fou sans vraiment parvenir à le transcender. Une fois l’originalité de son exposition passée, la structure narrative reste assez classique et l’intrigue assez prévisible, voire un peu bâclée sur la fin, (Spoiler) le dernier acte du film étant justifié par une pirouette scénaristique assez grossière (l’assistant pétri de remords ramenant les autorités) qui précipite un peu trop facilement les dernières minutes du film (Fin de spoiler).

Mais dans l’ensemble, Spiderhead s’apprécie comme un sympathique thriller de SF. Bien servi par sa réalisation et ses comédiens, et comptant quelques scènes mémorables, le film se suit avec plaisir, et on peut même penser qu’il aurait pu faire un bon épisode de Black Mirror.
Et puis après tout, impossible de penser qu’un film s’ouvrant sur le génial The Logical Song des Supertramp puisse avoir été produit et pensé par des personnes de mauvais goût.

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